Le vocable de conversion de fréquences
est très général puisqu'il s'applique dès que l'on excite un
matériau à une certaine longueur d'onde et que l'on récupère
alors une radiation à une autre longueur d'onde. Il m'a permis
de regrouper des études apparemment assez diversifiées, dont l'unité
est ainsi explicitée. Un autre domaine d'étude concerne les émissions
des ions de transition.
Les ions de transition, insérés dans des matrices oxydes ou
fluorées, émettent principalement dans l'infrarouge, sont pompés
par lampes flash et utilisent largement les processus de désexcitations
non radiatives. Les matériaux les plus courant dans lesquels l'émission
stimulée a été observée sont LiSrAlF6 :Cr3+, MgF2 :V2+/Co2+/Ni2+,
KMgF3 :Co2+/Ni2+, BeAl2O4 :Cr3+, Al2O3 :Ti3+, Y3Al5O12 :Cr4+ [1].
Quelques unes de leurs bandes d'émission sont visualisées sur
la figure ci-dessous.
Le grand intérêt des larges bandes d'émission
des ions de transition est évidemment l'accordabilité des émissions
lasers correspondantes alliée à une compacité du système que
n'ont pas les lasers à colorants. En outre, dans certains cas la
largeur de la bande d'émission autorise la génération de
pulses ultra courts (femtosecondes), le cas le plus connu étant
celui du laser saphire-titane.
Les convertisseurs de fréquences tout-solide étendant la gamme
spectrale des lasers commerciaux bien connus, tel le laser YAG :Nd
émettant à 1064 nm ou les diodes lasers émettant à 808 et 980
nm, constituent aujourd'hui un champ de recherche extrêmement
actif. Ils conduisent à des systèmes compacts et fiables, en
remplacement des encombrants lasers à colorants ou à gaz ou
donnant accès à de nouvelles régions spectrales. Ils mettent
en jeu différents mécanismes : relaxations radiative et non-radiative,
transferts d'énergie entre un ion sensibilisateur et un ion émetteur
laser, absorption séquentielle de photons, interactions optiques
non-linéaires du second ou du troisième ordre.
Les transferts d'énergie, gouvernés
par la dynamique des états excités, sont utilisés lorsque l'ion
émetteur laser absorbe trop peu aux longueurs d'ondes de pompe
existant. Citons les transferts Yb3+-->Er3+ [2,3] mis en jeu
dans les lasers à sécurité oculaire émettant vers 1.54 µm,
le pompage optique s'effectuant par diodes lasers à 980 nm. Un
autre cas concerne les transferts Cr3+-->Tm3+-->Ho3+ où la
lumière des lampes flash est absorbée par les bandes larges du
chrome trivalent (exemple de Y3Al5O12 :Cr :Tm :Ho [4,5]). L'ion
holmium émet alors vers 2 µm, fenêtre de transparence de l'atmosphère
ouvrant la voie à des applications militaires et spatiales. Une
classe de lasers émettant à une longueur d'onde plus courte que
la longueur d'onde de pompe est à mentionner : il s'agit des
lasers à up-conversion pour atteindre le visible et l'uv. L'addition
de photons par transferts d'énergie (APTE), l'absorption séquentielle
de photons, le mécanisme bouclant et son corollaire l'avalanche
de photons, sont les processus essentiels. Dans ce cadre citons
un effet laser dans le rouge (650 nm) à partir de LiYF4 :Yb10% :Tm1%
pompé à 969 nm [6] et un effet laser à 639.5 nm à partir de
LiYF4 :Yb10% :Pr1% pompé à 830 nm [7]. Un laser vert (550 nm) a
été réalisé à partir de YALO3 :Er1.5% pompé à 791.3 nm [8].
Les convertisseurs de fréquences par interactions optiques non-linéaires
(génération de la deuxième harmonique, oscillation paramétrique
optique (OPO), diffusion raman stimulée) couvrent un domaine
spectral s'étendant du proche uv à l'infrarouge moyen, avec des
régimes de fonctionnement variant du continu au régime
femtoseconde en passant par les régimes nano et picosecondes.
Ceci explique que leurs applications existent dans tous les
domaines : médecine, militaire, communications, environnement,
industrie, recherche, comme en témoignent les quelques exemples
suivants. La zone dite de " sécurité oculaire " (1.54
mm) pour laquelle le seuil d'endommagement de la rétine a sa
valeur maximum, peut être atteinte par OPO (cristal LiNbO3 pompé
par un laser YAG :Nd [9]) ou par décalage raman stimulé (cristal
Ba(NO3)2 pompé par laser YAG :Nd [10]). Les aérosols d'origines
diverses (fumées, poussières, pollution, pluies, brouillards,
projections volcaniques) présents dans l'atmosphère peuvent être
détectés et surveillés grâce à une source accordable (lidar)
dans le proche infrarouge [11] (2 à 10 mm) constituée de deux
OPO en cascade, à base de KTP ou LiNbO3 et de AgGaSe2, pompés
par un laser YAG :Nd. Une source laser uv tout solide [9] (289 nm,
longueur d'onde optimum pour la propagation atmosphérique) a été
réalisée en sommant dans un cristal de BBO un faisceau à 355
nm (issu d'un YAG :Nd triplé) avec un faisceau à 1570 nm (issu
d'un OPO à base de KTP pompé par YAG :Nd). La fusion thermonucléaire
est envisagée pour le siècle prochain avec des faisceaux issus
de lasers verre :Nd triplés en fréquence par des cristaux de
KDP. En recherche fondamentale, citons la réduction de bruit
quantique observée à l'aide de photons jumeaux (lumière aux
propriétés " non classiques ") issus d'un oscillateur
paramétrique optique [12].
Ce mémoire regroupe mes études liées à la conversion de fréquences,
au sens large du terme et celles liées aux émissions
accordables des ions de transition. Ces études correspondent à
mon activité sur plusieurs années, visualisée dans l'organigramme
de la page précédente. On distingue une branche dédiée à la
croissance cristalline et à la caractérisation des matériaux (chapitre
I) essentiellement basée sur trois installations de tirage de
monocristaux : un four Czochralski, un four à zone flottante
chauffée par laser CO2 (LHPG) et un four pour la méthode du
cristal flottant (TNFC). Les autres branches de l'organigramme
concernent les émissions larges des ions de transition (chapitre
II), les mécanismes de conversion de fréquences proprement dits,
à savoir ceux résultant des transferts d'énergie (chapitre III),
ceux résultant du mécanisme bouclant (chapitre IV) et ceux résultant
d'interactions optiques non linéaires (chapitre V).
1. A. A. Kaminskii, Crystalline Lasers :
Physical Processes and operating schemes, CRC Press (1996).
2. E. Snitzer, R. Woodcock, Appl. Phys. Lett. 6 (1965) 6.
3. F. Auzel, Proceeding of the IEEE 61, 6 (1973) 758.
4. B. M. Antipenko, A. S. Glebov, T. I. Kiseleva, V. A. Pis'mennyi,
Sov. Tech. Phys. Lett. 11 (6) (1985) 284.
5. A. N. Alpatev, E. V. Zharikov, S. P. Kalitin, A. F. Umiskov, I.
A. Shcherbakov, Sov. J. Quant. Electron. 17 (1987) 587.
6. G. Huber et al., Technical Digest of the ASSL Conference,
paper WD5, février 1995.
7. T. Sandrock, E. Heumann, G. Huber, B. Chai, in S. A. Payne, C.
Pollack (Eds.) OSA proceedings on Avanced Solid State Lasers, vol.
1, Optical Society of America, Washington, DC, 1996 p. 550.
8. R. Scheps, Opt. Mat. 7 (1997) 75.
9. J. C. Pocholle, Short Course n°105 " Diode-pumped solid
state lasers and optical parametric oscillators " CLEO/Europ
29 August 1994.
10. J. T. Murray, R. C. Powell, N. Peyghambarian, "
Generation of 1.5 mm radiation through intra-cavity solid-state
Raman shifting in Ba(NO3)2 non-linear crystals " Opt. Lett.
Vol. 20 n°9 (1995) 1017.
11. J. C. Pocholle, Ecole des Houches 22-26 avril 1996, " c(2)
second order nonlinear optics ".
12. E. Jacobino, C. Fabre, " Réduction du bruit quantique
dans l'oscillateur paramétrique et dans les lasers ", Coloq4,
Ecole Polytechnique Palaiseau, 6-8 novembre 1995.